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Zi Havraise
16 novembre 2010

Paix - Damilaville

fdl



Souvenirs, souvenirs de mes chères heures de français… L’article « Paix » de Damilaville m’avait     beaucoup plu (j’aurais du en profiter pour perfectionner mon orthographe et ma conjugaison… bref) car toujours d’actualité.
    Mais replaçons-nous dans le contexte de l’époque… C'est à dire le XVIIIème siècle qui fut marqué par l'apparition de l'esprit des lumières, esprit nouveau, caractérisé par une pensée libre,     libérée de tous les préjugés et de toutes les croyances. On interroge, on examine, on observe, mais surtout on refuse les ‘à priori’. Cet esprit me correspond bien en général XD.  

    Deux de ces nouveaux esprits, Diderot et D'alembert, décident de créer un     ouvrage qui rassemblait toutes les connaissances du monde, L'encyclopédie qui, à l’origine, devait être une simple traduction de la Cyclopaedia de     Chambers parue en Angleterre, mais Diderot qui dirigeait projet décida d’en faire un ouvrage nouveau. Il voulait rassembler et mettre a jours les connaissances de l’époque/instruire les hommes et     ainsi les rendre plus vertueux et plus heureux .  

 

    Dans ce livre, on retrouve l’article « Paix »  qui est     attribué à Damilaville, haut fonctionnaire des Finances et ami de Diderot. Cet article contient une condamnation sans équivoque de la guerre et des     ambitions conquérantes des monarques, ce qui est une constante des écrivains des Lumières.  

 

    Bientôt suivra l’article pets…  

 

       

 

 

    La guerre est un fruit de la     dépravation des hommes; c'est une maladie convulsive et violente du corps politique ; il n'est en santé, c'est-à-dire dans son état naturel, que lorsqu'il jouit de la paix; c'est elle qui donne     de la vigueur aux empires; elle maintient l'ordre parmi les citoyens; elle laisse aux lois la force qui leur est nécessaire; elle favorise la population', l'agriculture et le commerce; en un mot,     elle procure au peuple le bonheur qui est le but de toute société. La guerre, au contraire, dépeuple les États; elle y fait régner le désordre; les lois sont forcées de se taire à la vue de la     licence qu'elle introduit; elle rend incertaines la liberté et la propriété des citoyens ; elle trouble et fait négliger le commerce; les terres deviennent incultes et abandonnées. Jamais les     triomphes les plus éclatants ne peuvent dédommager une nation de la perte d'une multitude de ses membres que la guerre sacrifie; ses victoires même lui font des plaies profondes que la paix seule     peut guérir.
 
      Si la raison gouvernait les hommes, si elle avait sur les chefs des nations l'empire qui lui est dû, on ne les verrait point se livrer inconsidérément aux fureurs de la guerre; ils ne       marqueraient point cet acharnement qui caractérise les bêtes féroces. Attentifs à conserver une tranquillité de qui dépend leur bonheur, ils ne saisiraient point toutes les occasions de       troubler celle des autres ; satisfaits des biens que la nature a distribués à tous ses enfants, ils ne regarderaient point avec envie ceux qu'elle a accordés à d'autres peuples; les souverains       sentiraient que des conquêtes payées du sang de leurs sujets ne valent jamais le prix qu'elles ont coûté. Mais, par une fatalité déplorable, les nations vivent entre elles dans une défiance       réciproque perpétuellement occupées à repousser les entreprises injustes des autres ou à en former elles- mêmes, les prétextes les plus frivoles leur mettent les armes à la main. Et l'on       croirait qu'elles ont une volonté permanente de se priver des avantages que la Providence ou l'industrie leur ont procurés. Les passions aveugles des princes les portent à étendre les bornes de       leurs États; peu occupés du bien de leurs sujets, ils ne cherchent qu'à grossir le nombre des hommes qu'ils rendent malheureux. Ces passions, allumées ou entretenues par des ministres ambitieux       ou par des guerriers dont la profession est incompatible avec le repos, ont eu, dans tous les âges, les effets les plus funestes pour l'humanité. L'histoire ne nous fournit que des exemples de       paix violées, de guerres injustes et cruelles, de champs dévastés, de villes réduites en cendres. L'épuisement seul semble forcer les princes à la paix; ils s'aperçoivent toujours trop tard que       le sang du citoyen s'est mêlé à celui de l'ennemi; ce carnage inutile n'a servi qu'à cimenter l'édifice chimérique de la gloire du conquérant et de ses guerriers turbulents; le bonheur de ses       peuples est la première victime qui est immolée à son caprice ou aux vues intéressées de ses courtisans.
 
      Damilaville, Encyclopédie, article " Paix ".

 

 

       

 

    Attendez! Attendez! J’vais vous expliquer !  

 

       

 

    L’article paix renvoi directement à l’article guerre auquel il fait écho. Il s’agit d’une dénonciation de la violence     qu’est la conséquence des caprices des conquérants. Damilaville saisit le prétexte de parler de la guerre pour montrer à quel point elle est une entreprise contre la nature et contre la raison.     Elle s’oppose aux intérêts des citoyens et au bonheur des hommes. Damilaville montre que les deux notions guerre paix ne peuvent se définir que l’une par rapport à l’autre.  

 

       

 

       

 

    Chacun des deux paragraphes est construit sur un jeu d’oppositions:  

 

    Le premier paragraphe, ligne 1 à 10, c’est l’opposition guerre/paix avec la métaphore guerre = maladie et paix = état     d’équilibre. Le deuxième paragraphe, c’est l’opposition entre hypothèse, ligne 10 à 15, et réalité lignes 15 à 25, avec « si[…] » et « mais […] ».  

 

       

 

       

 

       

 

    La guerre est définie comme une maladie, c’est une métaphore, (notons l’emploi d’un vocabulaire médical avec     « santé », « vigueur », « membres », « plaies », « guérir »).  

 

    La guerre par les troubles qu’elle entraîne est comparable à la maladie et peux conduire à la mort.  

 

    (Les mots « convulsives » et « violente » appartiennent au même registre mais     ils ajoutent un aspect incontrôlable à la maladie).  

 

       

 

    Dans l’article « paix », Damilaville oppose un état maladif, anormal à un état sain, efficace et     naturel. On remarque une série de parallélisme et d’oppositions entre l’état de guerre et de paix:  

 

       

 

      PAIX    GUERRE  

 

       

 

    « santé »                                   « maladie,convulsive, violente »  

 

    « état     naturel »                              « dépravation »  

 

    « ordre parmi les     citoyens »                     « désordre, licence »  

 

    « force des     lois »                                  « lois forcées de se taire »  

 

    « développement de la population »  « dépeuple les états »  

 

    « développement de l’agriculture » « les terres incultes et abandonnées »  

 

    « développent le commerce »  « fait négliger le commerce »        

 

    « elle procure le     bonheur »                     « elle rend incertaine la     liberté  et la propriété »  

 

       

 

    On voit s’opposer tous les aspects positifs et louables de la paix à tous les aspects négatifs de la guerre.  

 

       

 

    La conclusion du premier paragraphe est pessimiste car aucune victoire guerrière, ne peut être une consolation face     aux destructions. Les mots : « jamais » et « ne » sont très catégoriques.  

 

       

 

       

 

       

 

    Dès le début du 2ème paragraphe, Damilaville fait allusion à une situation utopique: « Si la     raison gouvernait », ligne 10. A partir de cette hypothèse, il poursuit son raisonnement. On remarque l’emploi du conditionnel et de la tournure négative: « on ne les verrait     point […] ». L’auteur fait la liste de tous les actes guerriers et destructeurs qui sont imputables aux chefs des nations.  

 

       

 

    Les images dans ce deuxième paragraphe sont particulièrement saisissantes (« violente », « bêtes     féroces »... L’auteur y dénonce la violence, les hommes sont comparés à des bêtes féroces dans les fureurs de la guerre.  Mais Damilaville n’oubli     pas l’objet de son article : Paix, et il y revient tout au long du paragraphe en évoquant par opposition l’état de bonheur et de violence:  

 

       

 

    Champ lexical de la violence  Champ lexical du bonheur  

 

    « la     fureur »,                                « bonheur »,
« l’acharnement »,                       « tranquillité »,
« envie »,                                      « satisfait »,
   
 

 

    Ainsi grâce à la raison, les peuples contrôlabilité une vie paisible.  

 

       

 

       

 

       

 

    L’emploi de « mais », ligne 15 marque le retour à la réalité et au constat: les princes ne sont pas     gouvernés par la raison. Le comportement des nations est dénoncé, l’attitude des gouvernants est irréfléchie, irresponsable et négative,« prétextes frivoles ». Damilaville souligne le     caractère des princes qui sont tenaillés par l’ambition et gouvernés par la passion, « passions aveugles », « passions allumées ou entretenues ». Le vocabulaire concernant les     princes est dépréciatif. A la passion et l’ambition, il faut ajouter le manque d’intérêt des princes pour le bonheur de leurs sujets.  

 

       

 

    La fin de l’article est un constat, Damilaville analyse le court de l’histoire, la guerre satisfait des ambitions     personnelles. Le camp lexical pour indigner: « champ dévasté », « villes détruites, en cendres », « carnage inutile », édifice chimérique », « guerriers     turbulents », « victimes », « sang ». L’imagination est frappée.  

 

       

 

 

 

       

 

    Une construction rigoureuse du texte par un jeu d’opposition permet d’énoncer un état de fait sur un ton polémique.     La paix est valorisée et la guerre est dénoncée. La responsabilité est imputée aux princes or, dans ce siècle des lumières, il faut impérativement combattre les formes du pouvoir arbitraire. La     guerre apparaît comme une déviation de la nature humaine. On est sans cesse à la recherche du bon prince gouverné par la raison, celui dont les vertus sont telles qu’il a comme soucis le bonheur     de ses sujets.
   
 

 

     Un petit mot sur Damilaville : Etienne Noël     Damilaville, (1723-1768), écrivain français. II est surtout connu comme l'ami et le correspondant de Voltaire. C'est un collaborateur de l'encyclopédie de Diderot et d'Alembert. Il avait     pour Voltaire un double avantage : acquis aux idées philosophiques, il disposait en outre du sceau du ministre pour affranchir sa correspondance. Grâce à lui, Voltaire put faire circuler     lettres et pamphlets à l'abri de toute censure.

fdl

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